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Le Nord un jour, toujours le Nord

  • Photo du rédacteur: Karine en Cavale
    Karine en Cavale
  • 30 sept. 2018
  • 5 min de lecture

Je brise la glace. On me demande des nouvelles alors je vais en donner! Et aussi raconter la vie à travers mes lunettes. En plus de briser la glace, je brise la solitude, parce que seule au monde, je le suis, ou plutôt, je me sens. Par contre, je n'en souffre pas du moins. C'est un ressourcement et un défi personnel que j'accomplie. C'est très enrichissant. Vous savez, comme ceux qui fréquentent des retraites de yoga, de méditation et autres. Moi, mon trip, c'est le Nord. Ça m'évite de le perdre.


L'autre jour, prête à aller me coucher, je venais d'éteindre les lumières et j'ai eu la frousse. Une ombre a passé sous la porte de mon appartement. C'était le fruit de mon imagination, oui, bien sûr, mais ça n'a pas empêché mon cœur de s'emballer et mes pupilles de se dilater. Je vous mets en contexte.


La ville ici a souvent été la cible d'événements tristes et malheureux. D'abord, au mois de juin dernier, une jeune travailleuse qui habitait près de chez moi, s'est fait sauvagement et injustement assassinée chez elle. Pensées pour ses proches. Puis, pas plus tard que le weekend dernier, on a mis le feu à la DPJ derrière chez moi. Tout a brûlé « down to the ground ». Enfin, cette même fin de semaine, j'ai dû moi-même faire face à une situation assez troublante. Dès le début, dans ma carrière de technologue, à Chibougamau, j'ai été habituée à des cas assez « heavy » en traumatologie. Par contre, ici, c'est lors de mon tout premier « shift » de garde, vendredi passé, que j'ai compris que les gens ici sont résilients en Saint-Ciboulot. Je parle surtout des Inuits. J'en ai vu d'autres, mais cet événement-là, je ne l'oublierai jamais. Une histoire que la confidentialité m'empêche de raconter, vous comprenez pourquoi. Faites juste me croire sur paroles.


Nouvelle adresse!

Mais c'est aussi ça la vie. Je réalise que l'endroit où je me trouve est à la hauteur des défis auxquels je suis prête à relever. C'est dans ce genre de situations que je me sens vivre, que je me sens utile. Alors malgré tout, je suis très heureuse d'être ici. On m'a souvent demandé pourquoi je prenais cette décision. Outre les défis professionnels, il y a aussi des raisons d'ordre personnels qui sont tout aussi valables à mes yeux: une pause de la routine, des responsabilités du quotidien, un recul sur les amours déchus, la recherche d'aventure, de sensations fortes, l'exploration, extérieure et intérieure... Malheureusement, j'ai souvent senti le jugement des autres par rapport à mes choix, mais on s'habitue à ce genre de réactions. Ça ne m'a jamais arrêtée, au contraire.


La rencontre d'une autre culture fait aussi partie des motivations qui m'ont fait prendre le vol 866 de First Air Montréal-Kuujjuaq. J'ai un intérêt naturel envers les peuples des Premières Nations. Je ne sais pas encore pourquoi, mais ça me colle à la peau. Après de nombreuses années à côtoyer les Cris de la Baie-James, je me retrouve maintenant auprès des Inuits de la Baie d'Ungava. J'apprécie beaucoup les immenses qualités dont ces derniers sont dotés. C'est de loin ce qui me frappent quand je les vois. J'adore leurs tendances à toujours rigoler et vivre dans le moment présent ainsi que leur extrême gentillesse et leur ouverture envers l'étranger. Ça me traverse le cœur à chaque fois. Je ne rencontre pas beaucoup de gens qui savent sourire à travers le regard comme eux seuls savent si bien le faire. Les blancs baissent le regard, mais eux, ils conservent cette habitude de saluer d'emblée, sans réfléchir, inconditionnellement. Je ne peux m'empêcher de penser comment cela devait être fantastique avant tout le gâchis des abus de leur « intégration ». Bref... je suis heureuse de vivre tout cela, mais il y a toujours un prix à payer. Pas besoin de vous dire que ce n'est pas toujours facile de vivre l'isolement et l'éloignement.


Massif de la Petite-Rivière-Saint-François

Oui, c'est certain que je m'ennuie de ma fille. Oui, ça me pince le cœur et c'est douloureux. Mais quoi? Je ne peux pas faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Je suis ainsi et c'est comme ça, je n'y peux rien. Ce sera toujours une dualité en moi. Tout cela me (nous) mènera exactement où j'aurai (nous aurons) besoin être. En temps et lieu. Je ne vous apprendrai rien en disant qu'il faut faire des sacrifices pour être en mesure d'apprécier ce que la vie nous offre. Bref, ça sert a rien d'expliquer cela ici. Le temps s'en chargera! Et j'aimerais apporter une mention, non, je dirais plutôt une "ovation" spéciale à ma propre mère, sans qui tout cela serait impossible. Elle est une des rares personnes en qui j'ai totalement confiance avec ma progéniture. Sa générosité me permet de vivre cette expérience (et plein d'autres d'ailleurs).

Revenons à nos moutons. Mes premiers 24h à Kuujjuaq furent assez rock-and-roll: cinq heures de retard à l'aéroport, deux emménagements et un parachutage d'urgence sur un département de radiologie où tout tourne de travers depuis l'événement tragique de juin. Les tâches ici s'apparentent davantage à celles d'une secrétaire plutôt qu'à celles d'une technologue en radiologie! Mais je décide de voir le verre à moitié plein. J'apprends beaucoup sur des domaines hors de mes champs d'expertise: l'informatique (passionnant!), l'administration, la télé-radiologie, les suivis de dossiers, comme celui de la tuberculose, encore présente au Québec. Le saviez-vous? J'apprends aussi à travailler en duo avec une super collègue prénommée Mylène. Elle et moi sommes des réelles magiciennes. Hé oui! Nous avons la capacité de transformer les situations de hautes tensions et d’incertitudes totales en moments d'humour impromptu et de fous rires!


Avec tout juste un mois d'expérience au centre de santé, nous sommes fières de supporter à bout de bras le département de l'imagerie médicale de tout le territoire de la Baie d'Ungava, au Nunavik, avec ses sept communautés inuits qui longent les côtes du Grand Nord Québécois. Et ce, sans réseau cellulaire. Il n'y a rien d'aussi fiable et rassurant qu'un bon vieux téléphone avec fil, surtout quand tu appelles l'infirmière au « dispensaire » à Kangiqsuallujjuaq (pratiquez!) avec un bon deux secondes de délai entre chaque mot! Converser de manière efficace avec les villages est un art. Ah! que j'aime la sensation de reculer dans le temps... c'est un feeling indescriptible. C'est du bonheur à l'état simple!


Enfin, je conclue cette introduction en vous disant : Nakurmiik! Merci! Car si vous vous êtes rendus jusqu'ici, c'est que je ne dois pas être trop ennuyante! J'espère vous donner envie d'ouvrir votre cœur et votre esprit sur nos communautés amérindiennes et inuits. Elles sont les racines et la mémoire de notre magnifique territoire. Protégeons-le, protégeons-les. Ainsi nous nous protégerons nous-mêmes...


KM


À voir et écouter:

Elisapie



1 Comment


Helene Noel
Helene Noel
Oct 16, 2018

Continue chère Karine pour qu'a travers tes yeux et ton écriture a nous enchanter de tes récits tellement réalistes et intéressants.

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